Eric Le Normand (voir l'interview vidéo ci-dessous) est historien, spécialiste de la résistance des Alsaciens. Il a participé à la création d'une exposition de l'AERIA (l'Association pour l'Etude de la Résistance Intérieure des Alsaciens) et que notre CDI a accueillie. A cette occasion M. Le Normand nous a rappelé le contexte historique spécifique à l'Alsace. Suite à l'armistice de juin 1940, le territoire français est divisé en plusieurs zones d’occupation. La situation en Alsace-Moselle est particulière : annexées au Reich, ces deux régions sont considérées comme allemandes. Les Alsaciens sont donc forcés de parler allemand et, à partir 1942, de rejoindre la Wehrmacht (armée allemande). Cela s’inscrit dans une politique de germanisation et de mise au pas des Alsaciens. Les méthodes utilisées par les nazis en Alsace ont déjà été «testées» en Allemagne. Ils introduisent le ReichsArbeitsDienst (RAD) qui est une formation paramilitaire obligatoire dès 1941, pour les jeunes filles et garçons. Les nazis mettent aussi en place une propagande pour manipuler la population : manifestations immenses, HitlerJugend (formation aux armes pour les jeunes à partir de l’âge de 10 ans...). Les nazis mettent aussi en œuvre leurs théories raciales et expulsent tous les Juifs avant de leur confisquer leurs biens. Les nazis détruisent la synagogue de Strasbourg le 12 septembre 1940. Des mouvements de rébellion commencent alors à naître en Alsace. Ceux-ci prennent différentes formes : refus de parler l’allemand, de saluer le drapeau. Bientôt des réseaux de Résistance voient le jour ainsi que des filières de passeurs vers la Suisse ou la zone "libre". Les manifestations de refus, de désobéissance, et les mouvements de Résistance sont sévèrement réprimés par l’occupant. Des camps voient le jour dans la région à partir de 1940 : le camp de Schirmeck, visant à rééduquer les insoumis, puis le camp du Struthof, camp de concentration, voué à l’élimination des opposants. Sans oublier les geôles strasbourgeoises.
LA REACTION DE PAUL A LA NAZIFICATION Paul est scandalisé par la germanisation et la nazification de l'Alsace. Un jour, alors qu'il rentre du travail, il passe devant les ruines de la synagogue qui vient d'être incendiée. Son camarade de classe, Georges, a été évacué ; il n'est pas rentré et mourra en camp de concentration. Si Paul se révolte de manière trop ostensible, il se mettra en danger, ainsi que sa famille.
Nous avons posé à M. Le Normand une question importante : Quelles sont les spécificités de la Résistance alsacienne dans la Résistance française ?
Eric Le Normand : La Résistance alsacienne a des spécificités bien marquées, engendrées par le fait que l’Alsace était annexée. Tout d'abord, le fait que de nombreux prisonniers de guerre français passaient par l’Alsace, constitua les prémices d’une résistance organisée, liée aux filières d’évasion. De plus, du point de vue de la Résistance, l’Alsace annexée était un endroit particulièrement intéressant pour constituer des réseaux de renseignements disposaient ainsi d'antennes au cœur même des lignes ennemies. Ils pouvaient obtenir des informations de première nécessité. Enfin, les réfractaires à l'incorporation de force alsaciens ont aussi souvent résisté, à l'extérieur de l'Alsace, là où ils se trouvaient (en France et en Europe). Thomas : Quels sont les Alsaciens qui s’engagèrent dans la Résistance ? Eric Le Normand : Comme dans le reste de la France, ce sont des Alsaciens de toutes conditions sociales et de différentes origines qui se sont engagés dans la Résistance. Thomas : Quelles ont été vos sources dans vos recherches sur la Résistance alsacienne ? Eric Le Normand : je me suis appuyé sur deux sources importantes : à la fois sur les archives publiques, ici en Alsace, mais aussi à Paris, à Caen, et également sur la presse de l'époque. Je me suis en plus appuyé sur des archives privées, qui comportent beaucoup de documents inédits.